Notre histoire
Comme chacun peut le constater, je n’ai que le bac. C’est que je me suis lassé, dès la première année, de mon école d’ingénieur où il fallait coder du BASIC sur… du papier. J’ai aussi tâté de la sociologie à la Sorbonne et pris la fuite en raison de la médiocrité de mes professeurs qui ne comprenaient à ce point rien à leur propre domaine qu’ils ont donné un vingt à une étudiante fille de… sociologue.
Je décidai donc de reprendre ma vie de délinquant, qui débuta lorsque je volai à ma mère les dizaines de milliers de francs nécessaires à l’achat d’un nouvel ordinateur, mon commode PC VGA ayant rapidement montré ses limites. Mon acquisition la plus intéressante fut l’équivalent informatique d’un taser : un modem 2400 compatible minitel. Je me lassai rapidement du Minitel, peut-être en raison de la lettre de suicide que m’avait adressée l’un de mes contacts, dont j’espère ne pas être responsable malgré mon humour caustique et ma personnalité abrasive.
Il y avait en effet beaucoup plus intéressant que le minitel. Je découvris notamment l’univers des BBS, serveurs de toutes tailles souvent tenus par de simples particuliers, qui permettaient d’échanger messages et fichiers. Je finis par en créer un, le premier consacré à Windows et sobrement intitulé « Windows Manor ». C’est que j’ai toujours rêvé d’un manoir, avec une piscine, un majordome anglais et un billard américain. Mais des serveurs, il y en avait dans le monde entier. Il suffisait de payer le prix d’une communication internationale pour se connecter, par exemple, à Compuserve. C’est à dire l’équivalent de plusieurs euros la minute.
Naturellement, il existait des solutions : hacker les serveurs et les comptes, voire les opérateurs télécoms eux-mêmes en utilisant une bluebox, et même organiser des équipes de dealers qui refourguaient des jeux vidéo piratés dans les cours de récréation. Oui, ça aussi je l’ai fait et je puis me vanter d’avoir fait découvrir aux français un certain Wolf3D, bien avant sa sortie officielle. Nous avions tous des noms piquants –le mien était celui d’un personnage de comic- et je me souviens d’un « chat » tout à fait délicieux avec un agent des services secrets français qui m’expliqua que notre dialogue était enregistré sur caméra vidéo.
Je passe brièvement sur la création de mon magazine sur cd-rom aux éditions Cybex : mauvais timing. Avec la démocratisation des interfaces graphiques et l’arrivée de points d’accès français, tout changea : le web tel que nous le connaissons devint financièrement accessible et je déposai mon premier nom de domaine en 1994 : il s’agissait de cybermagnet.com qui céda la place deux ans plus tard à lafactory.com
Ce fut une époque fascinante : rien d’étonnant à ce que cybermagnet fut l’un des premiers webzines au monde car tout était à inventer. Il fallait coder au bloc-notes puis transférer les articles par ftp. Inutile de dire que moi seul pouvait mettre en ligne les articles de mes camarades journalistes. Lorsque les moteurs de recherche furent inventés, ils n’indexaient pas les textes mais seulement le titre et les métabalises. Pour être lu, il suffisait d’ajouter « Pamela Anderson » aux mots-clés même si votre article parlait de la culture des moisissures en haute Garonne. Rien d’étonnant donc à ce que toute la presse et chaine de télé parlent de moi : Ce n’est pas comme s’ils avaient l’embarras du choix et il était vraiment très facile d’être listé parmi les meilleurs sites francophones.
Et lorsque l’écriture fut enfin accessible via des éditeurs en ligne et que mes collègues journalistes ou apprenti-journalistes débarquèrent enfin sur la toile, je créai des ateliers d’écriture journalistique et parallèlement, j’aidai le CFPJ à concevoir leur premier module de journalisme en ligne. « Vous devriez prendre un article de presse écrite et leur demander de le réécrire pour Internet » suggérai-je tandis qu’ils notaient frénétiquement de cet air radieux qu’on pensait réservé aux adorateurs de la vierge et des petites culottes de Madonna.
Lafactory.com était un webzine sur les livres, la musique, les arts. Nous avons ajouté une boutique de bandes dessinées, parce que j’aime Batman. Qui ne l'aime pas ? En fin de compte, lafactory.com est devenu le lieu de l’informatique pour la créativité, et une marketplace était une étape logique.